Au revoir, frère Antonin


Notre Frère Antonin Alis est né le 19 mars 1940 à Plouvien (Finistère) mais c’est à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) que résidait sa famille de six enfants. Après quelques années au petit séminaire diocésain, il a rejoint l’école des Capucins à Bayonne jusqu’à son entrée au noviciat le 30 août 1959 au Mans. Il y a prononcé ses premiers vœux le 8 septembre 1960 et a été ordonné prêtre le 24 juin 1972 en sa paroisse à Port-Vendres. Dans cette période de formation, avant son ordination il a passé quatre années comme ouvrier en région parisienne. Antonin racontait en souriant qu’à Vitry, chez Rhone-Poulenc, il se trouvait dans une unité qui fabriquait du phénergan. Il a travaillé aussi aux Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP). Ces années au travail, disait-il, ont marqué la suite de son parcours.
Dès son ordination, il est parti comme missionnaire au Tchad où il a été particulièrement en contact avec les mouvements de jeunesse. Revenu en 1979, au moment de la guerre, il a pris pied avec deux autres frères à Estagel (P.-O.) et desservi la paroisse d’Estagel et cinq autres paroisses avoisinantes durant six ans. En 1986, il a rejoint la Fraternité de Perpignan y assurant une aumônerie de lycée et de l’Université jusqu’à la fermeture de la fraternité de Perpignan en 1994. Nommé à la Fraternité de la Chardonnière, à Francheville, il a été responsable de la pastorale des jeunes sur trois doyennés des Monts du Lyonnais. En septembre 1999, il est devenu responsable du Postulat à Saint-Maurice (Suisse) et en janvier 2001, il sera nommé 4e conseiller de France Sud. Il a assuré deux ans de gardiennat à Bourg en Bresse et six ans à Bron. Durant ces années, il a été assistant religieux, bien apprécié, de la Fédération Sainte-Claire des Clarisses. Il a assuré, et cela jusqu’à ces dernières semaines, l’assistance spirituelle de nombreuses Fraternités franciscaines séculières. Il y était aimé comme un frère. Et il a été souvent sollicité pour diverses animations de notre Province, le secrétariat de l’APEF. En 2013, il a rejoint la Fraternité de Toulouse qui était sur le point de se transférer dans les locaux paroissiaux de la rue de Saintonge, jusqu’en 2015. Là, Il a été responsable pastoral de la paroisse du Saint-Esprit. La fermeture de la Fraternité de Toulouse l’a amené à Montpellier, puis à Paris-Boissonade. Là, il est allé à la demande du Provincial prendre part à l’animation pastorale de la chapelle de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul, tout en allant chaque semaine « faire les pluches » et servir les plats aux « Grands-Voisins », un village urbain déployé le temps de la vacance nécessaire à la mise en route du chantier de transformation de l’ancien hôpital. En septembre 2017, il était heureux d’emménager à Créteil. Il y prenait contact avec le quartier et la paroisse, écrivait encore des articles pour la revue de la fraternité séculière, Arbre, lisait comme à son habitude des romans policiers, et dans la fraternité, à table, au chapitre ou à la chapelle, offrait toujours quelques paroles qui avaient la profondeur de la vérité. Mais hélas assez vite la maladie s’est révélée et en préliminaire à une opération de l’estomac, il a dû subir une chimiothérapie que son organisme n’a pas supportée et une crise cardiaque l’a emporté brutalement ce dimanche matin 28 janvier.
A ces obsèques étaient présents, avec les frères, sa famille venue de Catalogne et de Bretagne, des sœurs clarisses, des franciscains séculiers et des fidèles (avec leur pasteur) de la paroisse Saint-Pascal de Créteil.

La vidéo : Antonin raconte ce qui a fait sa vie, et l’a conduit jusqu’au "Grands Voisins"

-----------------

Frère Antonin Alis, ce qu’il a été pour nous

Nous voici réunis pour célébrer la Pâque d’Antonin, son passage de ce monde au Père :
C’est pour nous, l’apprentissage d’une relation qui désormais ne s’appuie pas sur l’immédiat de la convivence mais sur la foi d’une solidarité christique.
C’est aussi pour nous, le moment de remercier le Seigneur pour le don qu’il nous a fait en la personne d’Antonin, don d’une présence fraternelle et solidaire que nous avons pu expérimenter à des titres divers et multiples.
La présence fraternelle d’Antonin, c’était un regard bienveillant, l’écoute attentive d’un cœur disponible, le choix du service, la capacité de voir le bien à l’œuvre dans le monde et de s’en réjouir mais aussi l’impatience de changer ce qui n’allait pas, pour hâter la venue d’un monde nouveau. C’était une présence de militant. C’était aussi l’étonnement que provoquait parfois la fascinante coïncidence des opposés que son héritage lui donnait d’incarner : le profond enracinement du breton pudiquement taiseux et l’explosion enthousiaste et audacieusement entreprenante du militant catalan.
Antonin a su accueillir et approfondir progressivement et patiemment sa vocation de frère universel. Il se sentait, se savait et se voulait membre solidaire de la création, de l’humanité, de la société, de l’Eglise, de la Famille Franciscaine, de l’Ordre capucin, de notre province et de sa fraternité. Les péripéties de son parcours humain furent l’occasion d’un long mûrissement spirituel qui l’ancra toujours plus dans la certitude que le monde est à habiter selon la grâce de l’Incarnation, celle d’une présence d’amour transformante.
Cela transparaissait discrètement lors d’un dialogue, d’un échange lors d’une réflexion menée en groupe, lors d’un accompagnement communautaire ou personnel où il se donnait généreusement, mais cela se manifestait avant tout dans son étonnante capacité à être fraternellement et amoureusement présent partout où le menaient ses intuitions, ses choix et les missions qui lui étaient confiées. Quelle discrète mais profonde continuité, de l’Afrique à la banlieue, de Bendoné à Créteil !
Cette présence nous manque et nous manquera, même si nous savons que nous avons auprès du Père un frère qui saura intercéder pour nous et nous inspirer dans le choix de nos entreprises fraternelles pour que le monde devienne plus fraternel et solidaire. Qu’il nous obtienne une confiance indomptable dans la promesse divine d’un monde nouveau : cela pourra nous conduire à donner notre vie pour que tous accèdent à la plénitude de la vie.
Frère André Ménard, 1er février 2018, lors de la messe d’adieu à frère Antonin