- Louis Le Cardonnel, portrait et autographe
Il y a 150 ans, le 22 février 1862, naissait à Valence (Drôme), Louis LE CARDONNEL, qui allait devenir le prêtre-poète, dont une partie de l’œuvre fut écrite à ASSISE, et éditée par le Mercure de France dans la première partie de son ouvrage ‘CARMINA SACRA’ (1912).
Une place dans le centre de Valence porte le nom de Louis Le Cardonnel, ainsi qu’une rue de Romans, et en Italie, à Assise même, une ruelle montante, face à la porterie des Sœurs Clarisses colettines françaises.
Une personnalité et un parcours surprenants : scolarisé à Valence puis Romans, le jeune Louis échoue au baccalauréat à cause des mathématiques… Il monte à Paris jusqu’à ses 26 ans, il y fréquente le milieu littéraire, il est correspondant du Mercure de France. Les amis l’appellent ‘Cardo’. Engagé dans la bataille du ‘symbolisme’…il admire Baudelaire, fréquente Paul Verlaine (qu’il aidera à se libérer de l’absinthe)… Il rencontre Jean Richepin, Léon Bloy, Charles Cros, Albert Samain… Leconte de Lisle, Mallarmé… Profondément croyant chrétien et toujours en recherche de spiritualité, il entre au séminaire d’Issy-les-Moulineaux (1886), puis il fait un essai de vie monacale chez les bénédictins de Solesmes (1886), puis chez les dominicains de Sorez (1889). Il se lie d’amitié avec Huysmans, jeune converti, qu’il retrouve oblat bénédictin à Ligugé (1892). Il y rencontre aussi Paul Claudel.
- Romans, ancienne chapelle des Récollets
- Actuelle église paroissiale Saite-Croix (près du Calvaire), à l’entrée de Romans quand on vient de Tain. Ancienne chapelle des
Récollets, et de l’ancien Grand séminaire du diocèse. C’est là qu’a été ordonné prêtre Louis Le Cardonnel.
Encouragé par des amis il entre au séminaire de Rome en 1894. Il est ordonné prêtre à Romans sur-Isère (Drôme), le 19 Décembre 1896, par Mgr Cotton, en la Chapelle des Récollets (des franciscains, donc), alors Grand Séminaire du diocèse, actuellement église paroissiale Sainte-Croix (site du Calvaire). Une plaque commémorative est apposée sur la façade de l’église. Nommé vicaire à Saint-Donat, puis à Pierrelatte… toujours ‘tourmenté’ par la vie religieuse, il ira passer deux mois chez les Franciscains d’Amiens, il y sera cependant reçu dans le Tiers-Ordre, et en portera la cordelette jusqu’à sa mort.
1905, le voici en Italie, au cœur de l’Ombrie, à ASSISE, la patrie de saint François. Il est accueilli par les Frère Mineurs du Sacro Convento (tombeau de saint François) pour un nouvel essai de vie franciscaine, puis à San Pietro, chez les bénédictins ; de là il rend visite à mère Alexis, fondatrice du nouveau couvent des Clarisses françaises (1908). Il bénéficiera de leur hospitalité un certain temps. Il y rencontrera Paul Sabatier, pasteur protestant, historien de saint François (1893), fondateur en 1902 de la Société internationale des études franciscaines d’Assise, et citoyen d’honneur. Il aidera les sœurs clarisses grâce à son influence auprès des autorités. Il écrira à Louis Le Cardonnel : « Comment peut-on quitter Assise quand une fois on y a vécu ? » Le prêtre-poète fut lui-même aussi membre de la Société.
Il trouve en Italie des sources d’inspiration, il y fera plusieurs séjours, son ouvrage ‘Carmina sacra’ comprend, en sa première partie intitulée ‘Chants d’Ombrie et de Toscane’, 24 poèmes (cf. brefs extraits). Sa santé fragile, son instabilité, sa tendance à boire…, ses fantaisies le rendent parfois insupportable ; il part, il revient…En 1926 lors d’un nouveau passage à Assise, il rend visite au danois Johannes Jorgensen, autre historien de Saint François, dont la villa, via Santa Maria dell Rose, domine la chapelle mariale.
Il séjournera à San Remo six années consécutives et sans rien produire.
1924, retour définitif en France : Avignon, Vernègues, Lambesc…
Accueilli en 1932, au Palais du Roure en Avignon, par Mme de Flandreysy, amie et admiratrice du prêtre-poète, il meurt dans la nuit du 27 au 28 Mai 1936.
En fait très aimé et respecté, il sera honoré de funérailles grandioses en la Cathédrale Saint-Apollinaire de Valence, présidées par Mgr.Pic.
F. Pierre Domergue
Voir aussi Louis Le Cardonnel, par Émile Ripert
Saint François et la cigale
Le poudroyant Midi, de sa clarté précise,
Découpe les coteaux silencieux d’Assise ;
L’alouette, sans voix, sa cache dans le blé
L’air où rien ne frémit sent le myrte brûlé.
C’est l’heure morne où, seule, une cigale crie :
C’est l’implacable été sur l’immobile Ombrie.
A ses frères, ayant ordonné le sommeil,
Pour entonner encore un cantique au soleil,
François, le fou divin, s’en va les mains ouvertes,
Les pins l’ont appelé sous leurs aiguilles vertes :
Il sourit doucement d’un sourire du ciel ;
Et, comme s’il venait, ainsi qu’Ézéchiel,
De contempler l’ardeur des flamboyantes Roues,
Il tressaille, et l’on voit une flamme à ses joues.
L’Esprit l’a ressaisi : voici qu’il va chanter,
Car son cœur est trop plein pour ne pas éclater.
O toi, dit-il, ô toi, stridente dès l’aurore,
Harmonieuse enfant, créature sonore
Que bercent les grands pins dans leur chaude épaisseur.
Musicienne d’or que je nomme ma sœur,
O cigale, en vigueur allègre, qui t’égale ?
Pauvrette, comme toi nous allons, l’âme en feu,
Insoucieux de tout, fors de bien louer Dieu.
Autres extraits
Qu’il ne me tente pas d’inutiles voyages !
Il suffit, calme Assise, à ton hôte pensif,
D’admirer tes coteaux pleins d’oliviers sauvages,
Que ça et là domine, obscure et sobre, un if.
O Valence au grand cœur, toi qui m’as enfanté
A ces désirs du beau, dont je suis tourmenté,
Et qui, me nourrissant d’une chaude lumière
Dans mon âme éveillas le rythme la première.
Et moi je suis parti.
Mais l’Ombrie, endormie en son rêve tranquille,
M’invitait ; et là-bas, cette mystique ville,
Assisi, pour toujours assise dans sa paix,
Semble vouloir longtemps ma garder à jamais.
(Extraits de ‘CARMINA SACRA’)