Henri de Montbazon et Tranquille d’Orléans : capucins-médecins


Parcourant la galerie de portraits de capucins scientifiques, arrêtons-nous sur les pères Henri de Montbazon et Tranquille d’Orléans qui se distinguent dans l’art de la médecine et de la pharmacie. On les appelle les « capucins du Louvre » car recommandés à Louis XIV par le prince de Condé ; ils ont le privilège d’y installer un laboratoire, entre 1678 et 1680, où ils s’adonnent à leurs recherches scientifiques.

Ces deux capucins sont originaires de la province de Touraine.

Des éléments de la vie du P. Henri de Montbazon nous sont donnés par son frère, Rousseau de la Grande Rouge avocat au Parlement de Bretagne, dans la préface du livre posthume de notre apothicaire médecin. Nous apprenons ainsi qu’encouragé par son frère il étudie la médecine en même temps que la théologie au couvent de Vendôme. Ces études médicales lui seront utiles en Égypte, pense-t-il, où il partira effectivement comme missionnaire pendant sept ans.
C’est là qu’il rencontre le P. Tranquille d’Orléans, François Aignan, né en 1644, devenu également missionnaire capucin après avoir fait ses études à Padoue où il a été reçu docteur en médecine.

Tous deux travaillent au Louvre, à leur retour à Paris, où ils mettent au point des remèdes merveilleux qui assurent leur célébrité : l’eau de la Reine de Hongrie, l’essence de vipère, le laudanum de Rousseau, le baume Tranquille (encore connu il y a peu de temps…)

Secrets et remèdes éprouvés

Dans son ouvrage Secrets et remèdes… le P. Henri nous livre les mystères de leur composition à base de simples, de plantes aromatiques ou médicinales, d’opium…Voyons un peu la formule du baume Tranquille (du nom de son inventeur) : « …nous prîmes tout ce que nous pûmes trouver d’Anodins vénéneux, de Céphaliques et d’herbes chaudes odorantes : savoir les Solanus…, la Jusquiane, les têtes de Pavot… les fleurs de Sureau… le Millepertuis… le tout bien haché, bien pilé & bien mêlé. Après quoi nous fîmes bouillir de l’Huile d’Olive…[où] nous jetâmes… toutes ces herbes … nous fîmes bouillir jusques à ce qu’elles fussent bien rissolées & friables entre les doigts. … Quand on veut le faire encore meilleur, on y ajoute autant de gros crapauds vifs qu’il y a de livres d’huile… »

Ces remèdes font merveille, autant auprès des pauvres gens qui viennent se faire soigner gratuitement au Louvre qu’auprès de la noblesse. Ainsi, la marquise de Sévigné dans une lettre à sa fille madame de Grignan : « Parlons de votre santé…. Vos maux de gorge sont effrayants. … Je voudrais toujours que jamais vous ne fussiez sans du baume tranquille : il est souverain à ces sortes de maux…Songez-y, ma bonne ; ne soyez jamais sans un tel secours. »

L’essence de vipère obtient également des résultats étonnants auprès du jeune duc de Chartres à l’article de la mort : il recouvra subitement la santé après l’absorption du précieux liquide. Ce médicament sauvera également un cardinal de l’entourage du pape : Monseigneur Caraffa.

Un journal de l’époque, le Mercure galant, chante régulièrement les louanges des deux apothicaires et prend leur défense quand, victimes de leur succès, ils attirent les jalousies et deviennent la cible de leurs confrères laïcs. Il est vrai qu’ils connaissent quelques échecs, (Voltaire, dit-on, est mort d’une overdose de laudanum) mais quel médecin peut se vanter d’avoir guéri tous ses patients ? Nos capucins se défendent avec modération, puis après un projet de mission avorté en Éthiopie où ils espéraient mettre leurs compétences médicales au service de l’évangélisation, ils se retirent en Bretagne. Là, il semble qu’ils aient un différent grave avec leur provincial, le P. Clément de Ploërmel au sujet de leurs activités médicales. Le frère du P. Henri écrira sobrement : « Et comme ils étaient accablez par tant de malades qui avoient recours à eux, les R.P. Capucins trouveront que cela étoit disconvenable à leur profession. Cela fit naître quelques différents… ».

Ils quittent alors l’ordre des capucins et sont vraisemblablement recueillis par les bénédictins de Cluny. Protégé par le duc de Chaulnes, le P. Henri de Montbazon suit ce dernier à Rome puis meurt à son retour en France en 1694. Quant au P. Tranquille, il décède en 1709, après avoir obtenu, six ans plus tôt, le grade de docteur en médecine de la faculté de Paris.

Ainsi les capucins se distinguèrent dans les activités médicales, pharmaceutiques et botaniques. On pourrait évoquer encore : le P. Ange de Paris, célèbre aussi sous le règne de Louis XIV, le P. Louis de Rennes moins connu, mais dont la Bibliothèque Franciscaine des Capucins possède un traité de botanique manuscrit, et bien d’autres…