Il y a 170 ans, le Curé d’Ars entrait dans le Tiers-Ordre Franciscain


Homélie de frère Joseph-Xavier Soosai, à Ars, le 25 novembre 2017

Tous les saints ont trois caractéristiques en commun !
D’abord, ils se jettent dans les bras de Dieu. Ils s’abandonnent à sa volonté. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de combat dans leur vie. Ensuite, ils entrent dans une relation profonde avec Dieu dans la personne de Jésus Christ. Et enfin, ils se consacrent aux services des autres. Il en va de même pour le saint curé d’Ars !
En ce 170e anniversaire, il n’est pas sans intérêt de rappeler brièvement en quelles circonstances, le Curé d’Ars entra dans le Tiers-Ordre Franciscain, appelé aujourd’hui Fraternité Franciscaine Séculière ou Ordre Franciscain Séculier.
D’après un numéro des Annales franciscaines consacré aux vertus franciscaines du Curé d’Ars, et d’après le livre Les capucins de Lyon, du père Théotime de Saint-Just, le Curé d’Ars voulait à tout prix quitter sa paroisse pour trouver, selon son expression, « un petit coin où il pourrait pleurer sa propre vie ». Il tenta plusieurs fois de fuir. Même il voulait entrer chez les capucins. Son directeur spirituel, le père Léonard, capucin, qui était alors gardien du couvent des Brotteaux à Lyon, le détournait de ce projet, sachant le bien qu’il faisait dans le monde. Il l’obligea à retourner à sa charge apostolique à Ars. Autrement dit : « Fleuris là où Dieu t’a placé », « Bloom where you are planted ! »
Le saint Curé d’Ars accepta de grand cœur le conseil du père Léonard, et entra dans le Troisième ordre de saint François en 1847 et prit le scapulaire de tertiaire franciscain que nous avons apporté aujourd’hui de Clermont-Ferrand pour l’exposition et pour la vénération !
Comme saint François d’Assise, le Curé d’Ars a eu à choisir entre sa volonté propre et la volonté de Dieu. Saint François rêvait d’être chevalier. Alors qu’il venait de quitter Assise avec d’autres chevaliers pour aller combattre au service du Pape, il tombe malade, à la première étape, et il entend une voix lui dire : « François, q peut te faire le plus de bien, le Seigneur ou le serviteur ? » « Le Maître évidemment. » « Alors pourquoi courir après le serviteur ? » François interroge à son tour : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » « Retourne au pays qui t’a vu naître. Là, il te sera dit ce que tu dois faire. »
D’un côté c’est la chevalerie, la gloire ; de l’autre le retour à Assise et toujours l’incertitude de ce qu’il faudra faire… d’un côté le serviteur, de l’autre le Seigneur. François a choisi. Il prend la route d’Assise. Il se jette dans les bras de Dieu.
Le Curé d’Ars disait que « Dieu nous aime plus que le meilleur des pères, plus que la plus tendre des mères. Nous n’avons qu’à nous soumettre et nous abandonner à sa volonté. » Tous deux, François d’Assise et le curé d’Ars se sont abandonnés à la volonté de Dieu.

Ensuite, la vie des deux saints nous montre qu’ils sont entrés dans une relation profonde à Dieu dans la personne de Jésus Christ. Saint François s’est laissé regarder par le Christ. Il a fait cette expérience dans la petite église de Saint-Damien, devant le crucifix. Sa rencontre avec Jésus le conduisit à se dépouiller d’une vie aisée et insouciante, pour épouser « Dame Pauvreté » et vivre en vrai fils du Père qui est aux cieux. Saint François voulait imiter le Christ et de devenir riche de sa pauvreté ! Dans toute la vie de saint François l’amour pour les pauvres et l’imitation du Christ pauvre sont inséparablement unis, comme les deux faces d’une même médaille.
Quant au Curé d’Ars, Il demeurait dans un silence total. Dans cette union intime qu’est la prière, « Dieu et l’âme sont comme deux morceaux de cire fondus ensemble » disait-il. Et c’est dans ce silence que les Trois Personnes Divines agissaient dans son âme.

Enfin, les deux saints se sont consacrés au service des autres.
Saint François a vu dans la rencontre du lépreux le tournant de sa conversion : « Comme j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je fis miséricorde avec eux. Et en m’en allant de chez eux, ce qui me semblait amer fut changé pour moi en douceur de l’esprit et du corps » (Testament)
La rencontre avec les lépreux a transformé complètement saint François… L’interdépendance demande de reconnaître la différence de l’autre, et de l’accepter comme un don et une richesse. Sans relations libres et ouvertes la vie manque de sens, parce que c’est dans la découverte de l’altérité que se construit l’identité. Les rencontres sont les expériences les plus importantes de la vie de François. Rien n’arrive par hasard, mais tout se passe en temps et lieux voulus : Alors qu’il cherche sa route, François est conduit à la périphérie d’Assise. Hors les murs de la ville, dans le petit ermitage de Saint-Damien, il peut mieux écouter la Parole de Dieu, et là, rencontrer les lépreux et suivre le Christ, pauvre et nu.
Et de cela découlent toutes les autres rencontres : rencontre des brigands, rencontres des pauvres et même la rencontre avec le sultan en Égypte. Il s’ouvre à la Création. C’est cela qui a conduit notre pape François à choisir le nom de François pour le suivre dans cette pauvreté qui nous fait frères de tous.
Quant au Curé d’Ars, au début de sa mission sacerdotale, marqué par le jansénisme, il orientait sa prédication sur la mortification, sur les considérations de l’enfer et sur la pénitence ! Mais plus tard, imprégné par l’amour de Dieu pour les hommes, il préférait de beaucoup parler de l’amour, plutôt que de la crainte. « L’amour vaut mieux que la crainte, disait-il, il y en a qui aiment le Bon Dieu mais dans une grande crainte… Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Dieu est bon, il connaît nos misères : il faut que nous L’aimions. Il faut que nous voulions tout faire pour Lui plaire. » Il est évident et on ne le répétera jamais assez, que c’est l’amour qui a fait un saint Curé d’Ars. Et par amour pour les enfants pauvres, il a créé cette maison de la Providence.
Catherine Lassagne, son élève de toujours, affirme que ses instructions et catéchismes portaient, presque toujours, sur l’amour de Dieu : « S’il commençait à parler d’un autre sujet, toujours il revenait sur l’amour… »
Il insistait souvent sur l’aspect sensible de l’amour : « la vie intérieure est un bain d’amour, dans lequel on se plonge. » Mais il ne se trompa jamais sur le sens profond de l’amour, qui s’identifie à la volonté de faire sienne la volonté de Dieu.
En cela, il rejoint bien l’attitude de saint François qui disait souvent « l’amour n’est pas aimé ».
Tout ce qu’il voyait autour de lui et en lui, il savait que cela provenait de l’amour infini de Dieu pour le salut des hommes. Il parlait du sacerdoce en disant « le prêtre c’est l’amour du cœur du Seigneur ».
Il désirait que tous donnent une réponse d’amour à cet amour de Dieu. Pour aider la vie chrétienne, le curé d’Ars créa plusieurs confréries dans sa paroisse. Et lui-même, comme on l’a vu, voulut entrer dans le Tiers -Ordre pour que sa réponse personnelle à l’amour de Dieu soit plus parfaite. Une fraternité du Tiers-Ordre fut établie à Ars dès 1848.
Comme curé de paroisse il encouragea ses fidèles à rechercher la sainteté. Souvent sa prière au Seigneur était celle-ci : « Seigneur, convertissez ma paroisse ».
C’est certainement cette même prière que le saint curé d’Ars adresse aujourd’hui au Seigneur pour nous ; répondons à l’amour du Seigneur pour nous par une vie chrétienne plus parfaite, une recherche de la sainteté.
Joseph Xavier Soosai, Capucin, Bron.