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« Après cela,
Jésus sachant que tout était consommé,
afin d’accomplir l’Ecriture, dit : j’ai soif ».
Après qu’au moyen d’une éponge,
une boisson de vinaigre et de fiel lui eut été offerte,
ainsi que l’atteste Jean qui était présent,
il ajouta : « Tout est consommé »,
comme si la pleine consommation
de sa passion toute entière très amère
consistait à goûter du vinaigre et du fiel.
Puisqu’Adam le prévaricateur,
avait causé notre totale perdition,
en goûtant de l’arbre suave et interdit,
il était, en effet, convenable et opportun,
que le remède de notre salut soit trouvé par le chemin inverse.
Puisqu’en chacun de ses membres
se multipliaient aussi,
causes des plus aiguës souffrances,
« les flèches dont l’indignation a épuisé son esprit »,
il convenait que sa bouche et sa langue,
organes [au service] de la nourriture et de la parole,
ne demeurent pas indemnes,
pour que se vérifie en notre médecin, cette prophétie :
« Il m’a rempli d’amertume, il m’a enivré d’absinthe »,
et pour qu’en sa mère très douce et très aimante,
s’accomplisse aussi cette autre prophétie :
« Il m’a rendue comme désolée, accablée de chagrin tout le jour ».
ô Vierge bienheureuse
Quelle langue pourrait dire et quel intellect saisir
le poids de tes désolations ?
Tu étais présente à tout ce qui précède,
Tu y assistais et y participais de toute manière :
cette chair bénie et très sainte
que tu avais si chastement conçue,
si suavement nourrie et allaité,
si souvent posée sur ton sein
embrassée lèvres à lèvres,
tu l’as maintenant, contemplée de tes yeux de chair
déchirée par les coup de fouets,
perforée par les pointes d’épines,
frappée par le roseau,
accablée sous le coups des paumes et des poings,
transpercée par les clous,
violemment torturée,
attachée et suspendue au bois de la croix,
objet de toutes les railleries,
et finalement abreuvée de fiel et de vinaigre.
Mais des yeux de ton esprit,
tu as vu aussi, cette âme divine
remplie du fiel d’une totale amertume,
frémissant en son esprit, saisie de peur,
dégoutée, agonisante, anxieuse, troublée,
affligée de toute tristesse et de toute douleur,
en raison d’une très vive sensation de la douleur corporelle,
d’un zèle très fervent pour l’honneur de Dieu offensé par le péché,
d’une miséricordieuse affection répandue sur les miséreux
et du trait de compassion envers toi, mère très douce,
enfoncé dans les profondeurs de son cœur
lorsque de ses yeux pleins de tendresse
il te voyait debout en sa présence
et qu’il t’adressait ces aimables paroles :
« Femme, voici ton fils »
pour, au milieu des angoisses, consoler ton âme
qu’il savait être plus transpercée
par le glaive de la compassion à son égard
que si tu avais souffert dans ton propre corps.