La figure du pauvre d’Assise (Eloi Leclerc)


L’expérience évangélique de François d’Assise n’est pas un simple épisode dans l’histoire du Christianisme. Elle a valeur exemplaire et prophétique. Elle fut un réveil dans l’Église du XIIIe siècle ; elle conserve encore aujourd’hui une puissance de renouvellement et de rajeunissement. Elle n’a cessé, en fait, de fasciner et d’inspirer un grand nombre d’hommes et de femmes...

Trois choses ont joué dans la vie de François et ont contribué à faire de lui le guide sûr et le novateur que nous admirons : une riche nature humaine, le souffle évangélique, la complicité avec le mouvement de l’histoire.

Tout d’abord la riche nature de François. Elle est incontestable. Manifestement nous sommes devant quelqu’un qui nous entraîne hors des sentiers battus. Avec lui la vie retrouve un parfum de genèse. Le trait fondamental de cette personnalité est une capacité extraordinaire de communier avec les êtres, une puissance toujours renouvelée d’émerveillement, d’accueil et de dévouement, bref, une hospitalité de l’esprit et du cœur qui le rend attentif à tous pour leur communiquer la paix et la joie.

Le souffle de l’Évangile, en pénétrant cette riche nature , en a libéré toutes les possibilités. La conversion n’a brisé aucun des ressorts de sa personnalité, elle n’a rien desséchée. Au contraire, elle a donné à toutes ses facultés de communion leur plein épanouissement...

Le miracle franciscain est né aussi d’une de ces rencontres exceptionnelles de l’Évangile et de l’Histoire. Le courant évangélique de fraternité, issu de François d’Assise, n’a pas jailli d’une manière intemporelle. Il coïncide avec une révolution historique importante... Il partage les aspirations de son temps mais en mesure aussi les limites...
Il découvre l’humanité de Dieu, l’humilité de Dieu : le Dieu de majesté s’est fait lui-même notre frère. A son école et avec lui il veut devenir frère de tous et participer à la construction d’un monde fraternel.

La fraternité que créerait aujourd’hui François ne serait sans doute pas la même que celle qu’il a suscité au XIIIe siècle. Mais elle en porterait les mêmes traits essentiels : communion de vie avec les plus humbles, rejet de la domination exercée par l’argent, recherche d’une communauté humaine vraiment fraternelle, sens et goût de la personne concrète et singulière, accueil et respect de la nature, tout cela vécu dans une approche vivante et bouleversante de l’humanité de Dieu.

Extrait de Retour à l’Evangile d’Éloi Leclerc, DDB, 1990