Le père Joseph de Paris, « l’Éminence grise » ou un mystique en politique


Le père Joseph de Paris, « l’Éminence grise » ou un mystique en politique, un cours de François Marxer, au Centre Sèvres.

Comment un vaincu de la Ligue va-t-il s’inscrire dans le camp des artisans de l’histoire ? La trajectoire de Joseph du Tremblay (1577-1638), en religion Joseph de Paris, est aussi singulière qu’exemplaire. Confessionnellement, ses origines familiales sont contrastées et sa jeunesse s’orientera vers un choix radical : d’abord vers la Chartreuse, puis vers les capucins, un ordre en pointe dans la reconquête catholique, vigoureusement missionnaire et d’une perfection sans concessions, reconnue et attractive. Le hasard (ou la providence) des rencontres lui fera croiser le chemin de Richelieu, le cardinal-ministre. C’est donc sur le plan politique aussi bien intérieur (dans la lutte anti-protestante comme au service tant de la monarchie centralisée que du relèvement et de l’affermissement de l’Église) qu’extérieur (dans l’action diplomatique, avec un souci tout spécial de la Terre sainte et des chrétientés du Levant) que Joseph de Paris va déployer ses énergies voire son génie.
Toutefois, c’est sa stature spirituelle voire mystique qui avant tout nous intéressera : le P. Joseph sera le disciple fidèle mais mesuré de Benoît de Canfield, maître en mystique abstraite (héritée des Institutions pseudo-taulériennes, de Ruusbroec et de Harphius – sans oublier l’anonyme Perle évangélique – et qui va nourrir la ferveur et les ambitions du renouveau catholique dans le cercle de Mme Acarie en ce début du XVIIe siècle).
Acquis à cet univers spirituel, il ne pourra éviter le paradoxe christologique (pour un fils de saint François, comment en aurait-il été autrement ?) et devra ainsi développer son univers mystique au bénéfice des novices capucins qu’il forme à la perspective des sommets de la plus haute contemplation, tout en gardant le réalisme d’un pédagogue exigeant. Mais pas moins au profit des Bénédictines du Calvaire (ou calvairiennes) dont il sera le co-fondateur avec la Mère Antoinette d’Orléans, auparavant feuillantine, et qu’il considérait comme la logistique orante et mystique des troupes capucines montant au front du combat apostolique. C’est dans les Exhortations et les Exercices qu’il donne régulièrement à ces moniales, qu’il nous livre l’institution d’un monde où se croisent étonnamment la puissante vigueur capucine et la douce rigueur bénédictine, pour ne garder que le meilleur – le plus vertigineux qui n’est pas pour autant le plus téméraire – de la mystique abstraite.

Bibliographie :

J. de Paris, Exercice du moment présent [1641,²1671] Paris-Orbey, 2006.
J. du Tremblay, Discours en forme d’exclamation sur la conduite de la divine Providence [1599], Grenoble, 1998.
L. Dedouvres, Politique et apôtre. Le Père Joseph, Paris, 1932.
B. Pierre, Le Père Joseph, l’Eminence grise, Paris, 2007.
G. de Paris, Les Frères Mineurs Capucins en France. Histoire de la province de Paris, Blois, 1950.
R. de Sceaux, Histoire de Frères Mineurs Capucins de la Province de Paris, Blois, 1965.
O. de Veghel, Benoît de Canfield, Rome, 1959.
H. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux, t. II, Grenoble, 2006.
D. Vidal, Critique de la Raison Mystique. Benoît de Canfield, Possession et dépossession au XVIIe siècle, Grenoble, 1990.

Quatre séances de 3 heures : les samedis 9 février, 9 mars, 13 avril et 11 mai 2019, de 9h30 à 12h30.

Les cours auront lieu aux Facultés Jésuites de Paris — Centre Sèvres, 35bis, rue de Sèvres, 75006 Paris.

Les inscriptions à ce cours sont prises par le secrétariat du Centre Sèvres.

Les membres de la famille franciscaine pourront bénéficier d’une réduction pour l’inscription à ces cours.