Fra Modestino, témoin du Padre Pio


À San Giovanni Rotondo, qui ne connaît l’ancien frère portier du couvent des Capucins ? Découvrez la figure de Fra Modestino, compatriote, fils spirituel et l’un des proches de Padre Pio.

Originaire du village de Pietrelcina, comme Padre Pio, Fra Modestino porte bien son nom. La candeur de ses yeux, son sourire d’enfant reflètent la « modestie ». Les pèlerins remarquent vite la grâce toute franciscaine du « frère portier » de San Giovanni. À la porte, au téléphone, le Frère est toujours disponible pour accueillir, écouter, consoler, prier. Padre Pio a marqué sa vie ; il fut un proche durant 28 ans.
Quand nous le rencontrons à 81 ans, il paraît solide, mais son entourage sait que l’usure est là. Le frère qui m’accompagne traduit le dialecte. « J’ai déjà tout dit et écrit », murmure le frère Modestino. Cependant parler du Padre lui est si agréable :
« Ma mère, explique-t-il, avait l’âge du Padre. À travers la ruelle qui séparait leurs maisons, elle aimait le regarder prier. S’en apercevant, le Padre fermait poliment le volet. Elle disait l’avoir toujours vu le chapelet en main. »

Comment avez-vous rencontré Padre Pio ?
Avant mon service militaire, avec ma mère j’étais allé le rencontrer pour lui demander sa bénédiction. La première fois, je l’ai vu alors qu’il s’avançait pour la messe. J’eus l’impression de voir le Christ, chargé de sa croix, montant au Calvaire. Mon cœur a été encore plus bouleversé quand je me suis aperçu que Padre Pio pleurait et sanglotait à l’autel. Après la messe, il nous accueillit ; sa joie, ses réparties m’ont donné confiance et je me suis confessé à lui. Il m’a dit une phrase dont je me souviens encore : « Eh ! mon petit, marche droit ! »

Comment êtes-vous devenu Capucin ?
Je pensais aux Bénédictins, mais le Padre ne l’entendait pas ainsi. Il disait « Non », je disais « Si ». Un jour, après une discussion enflammée, il me confie tendrement : « Mon enfant, je t’aime bien ! De moi tu auras tout ce que tu voudras. Nous devons sauver ton âme. Écoute donc, pour l’amour de Dieu et pour moi. » Plus tard, quand je lui annonçai mon entrée chez les Capucins, il devint tout sourire, il m’embrassa et dit : « Enfin ! il a compris ! »

Pouvez-vous évoquer quelques anecdotes ?
Fra Modestino hésite. Son cœur est plein de souvenirs, il ne sait ni que raconter, ni par où commencer. Son visage traduit l’embarras de celui qui ne pourra jamais tout dire et pourtant, une fois de plus, il se soumet à l’exercice. « Jeune religieux, dit-il, j’ai été nommé frère quêteur dans mon pays. Demander l’aumône du pain, de l’huile, du fromage, parmi les miens, m’humiliait. J’étais prêt à quêter ailleurs mais pas chez moi. À l’occasion, j’ouvris mon cœur au Padre. Il m’écouta puis, me serrant sur son cœur, il me dit : « Fais ce que disent les supérieurs. Tu seras ainsi dans la volonté de Dieu et tu seras bien. Sois tranquille. Je serai toujours près de toi, et le regard de saint François sera sur toi. » Par la suite, j’ai souvent vérifié l’authenticité de sa promesse.
le village de Pietrelcina_ Un jour, dans sa cellule, il me fit cette confidence : « Mon enfant, il me semble être comme un grand coupable. On me suit à chaque pas. Je vais à l’église, je trouve du monde ; dans les couloirs, je rencontre des frères et des civils. Certains demandent conseil, d’autres veulent connaître l’avenir, d’autres cherchent à fureter. Ils se jettent sur mes mains pour les embrasser et me causent des douleurs insoutenables. Il y en a même qui glissent leurs doigts sous mon gant pour explorer. » Après un silence, il ajouta : « Le prisonnier a un peu de temps à lui. On ne m’accorde même pas une minute de liberté : de jour comme de nuit je suis surveillé. »
Peu avant sa mort, j’étais à San Giovanni. Padre Pio, exténué, priait et pleurait en silence. Me voyant, il me fit signe de m’approcher et, m’embrassant, il me donna le chapelet qui ne quittait jamais son poignet. Son regard était parole : « Voilà, je te confie mon saint rosaire, répands-le parmi mes fils. »
Je l’ai reçu comme une tâche merveilleuse à accomplir. Aujourd’hui, les fils et filles spirituels du Padre ne se comptent plus. Ils forment une grande famille. Tous les soirs, à 21 heures, nous sommes spirituellement unis les uns aux autres, et avec le Padre Pio, par la récitation du chapelet.

Frère Pio Murat, ofmcap

(tiré du numéro spécial - troisième édition, 2010 - de la revue Notre-Dame de la Trinité, consacré au Padre Pio)