Chaque année, les frères capucins en formation initiale partent vivre 10 jours de retraite
spirituelle au monastère de Sainte Colette, à Poligny. Entre silence, prière et enseignements,
ce temps est celui du recentrement en Dieu, tel qu’enseigné aux frères de l’Ordre par saint
François d’Assise.
« Qu’ils considèrent qu’ils doivent désirer par-dessus tout posséder l'esprit du Seigneur et sa sainte opération, le prier toujours d’un cœur pur, avoir l'humilité, la patience dans la persécution et dans la maladie, et aimer ceux qui nous persécutent, nous reprennent et nous blâment ». Si la règle des frères mineurs est considérée par ces derniers comme une synthèse de l’Evangile, ces quelques lignes en sont le cœur. La seule possession à laquelle un frère aspire, c’est l’Esprit-Saint. C’est cette « possession » qui le détache de lui-même, le fait vivre en Christ et le rend pauvre et humble avec qui que soit, amis et ennemis, bienfaiteurs et persécuteurs.
Pour rester fidèle à cet engagement, les premiers frères capucins avaient assez vite éprouvé la nécessité de se retirer du monde sur un temps assez long. L’enjeu était fondamental, puisqu’il s’agissait de revenir à la perle unique pour laquelle ils avaient tout quitté. Ainsi naquirent les « retraites de 10 jours ». C’est dans cet esprit et sous une forme actualisée que les frères capucins en formation initiale, ainsi que des clarisses de divers monastères de France, se retrouvent chaque année au monastère jurassien de sainte Colette, à Poligny.
Rentrer dans le silence de Dieu
Durant 10 jours pleins, dans un silence nourri de prière et des enseignements, nous cherchons à suivre le Christ en nous mettant particulièrement à l’écoute des Pères de l’Église, de saint François, de sainte Claire et de saint Bonaventure. Trois étapes balisent la retraite. Les premiers jours sont ainsi dédiés à la contemplation du dessein bienveillant du Père, de la création et de la chute. Cela permet de rappeler à notre mémoire blessée que notre Dieu est un « Père très bon » (IV ème prière eucharistique), et de renforcer notre foi. C’est alors seulement que nous pouvons regarder en vérité nos misères et nos péché. Ce temps est aussi un moment de purification, spécialement par l’exercice de la mémoire spirituelle : il s’agit de parcourir « les hauts faits de Dieu » depuis la Création jusque dans son histoire personnelle.
“Laisser le Seigneur illuminer son intelligence”
La deuxième étape permet de méditer le mystère de l’Incarnation du Fils. Le retraitant
apprend à laisser le Seigneur illuminer son intelligence pour renforcer en lui la vertu
d’espérance : aucun aspect de la « grisaille du quotidien » n’est dépourvu de sens, tout est à
vivre en vue de la vie éternelle déjà donnée dès ici-bas. Pendant ces jours, une attention
particulière est donnée à la vie cachée de Jésus à Nazareth et aux vœux religieux de pauvreté, chasteté et obéissance. Enfin, les derniers jours sont consacrés au mystère pascal du Christ : passion, mort, résurrection, ascension et envoi de l’Esprit-Saint. Il ne s’agit pas d’une contemplation extérieure, mais bien de passer avec Jésus, et de passer avec toute sa personne.
Là aussi, une journée de désert est donnée pour vivre plus en profondeur le passage de la mort à la vie, si bien exprimé par le crucifix de saint Damien. La retraite est suivie d’une journée de détente, un moment où se constate chaque année avec joie le renforcement de la communion fraternelle entre frères capucins et sœurs clarisses.
La source de la joie
Au fond, le secret de cette joie franciscaine, approfondie à chaque retraite, pourrait être
renforcé par ce passage de la vie de saint François rapporté par saint Bonaventure : « Le saint jour de Pâques, alors que saint François séjournait dans un ermitage éloigné de l’habitation des hommes au point qu’il ne pouvait pas convenablement mendier […] il demanda l’aumône aux frères eux-mêmes. Comme il l’avait humblement acceptée, il les informa par des paroles sacrées que, traversant le désert de ce monde comme des pèlerins et des étrangers […] dans la pauvreté d’esprit, ils célébraient de manière continue la Pâque du Seigneur, c’est-à-dire le passage de ce monde au Père. Et puisqu’en demandant l’aumône il ne s’agissait pas d’une question de cupidité, mais de liberté de l’esprit, Dieu, le Père des pauvres, semblait prendre de lui un soin spécial.»
– Frère Marie-Geoffroy, OFM cap.