Comme les grands maîtres de contemplation, Claire a aussi élaboré sa « méthode », sa voie, mais sans se raccrocher à aucun des grands courants contemplatifs. Il s’agit d’une méthode très simple qui jaillit de sa propre expérience. Cette méthode peut se résumer en trois verbes qui apparaissent dans la deuxième et la quatrième lettre à Agnès de Prague : Admirer (observer), considérer, contempler (cf. 2 LtAg 20 ; 4 LtAg 15-23). Le chemin de contemplation de Claire s’enracine dans l’incarnation du Verbe, synthétisé dans le mystère, la vie publique et la croix du Christ. C’est un miroir où se reflètent la pauvreté, l’humilité et la charité du Fils de Dieu. Contempler, chaque jour ce miroir, c’est parcourir cette voie sans défaillir.

Admirer

Le regard admiratif rassemble tous les sentiments de la suite contemplative de Jésus-Christ : « Ce miroir, contemple-le chaque jour […] Et admire sans cesse en lui ta face…Regarde, te dis-je, le principe de ce miroir, la pauvreté de celui qui a été déposé dans une crèche et vêtu de petits langes » (4 LtAg 15ss). Il ne s’agit pas d’une posture romantique face à la crèche, mais bien d’une expérience réelle de pauvreté, d’une option décisive pour la pauvreté, car c’est le chemin choisi par le Fils de Dieu. Il ne s’agit pas de se regarder soi-même, mais plutôt de sortir de soi-même et de contempler la pauvreté de celui qui s’est fait « méprisable pour toi ». Pour Claire, il ne reste pas d’autre chemin : « Suis-le, te faisant pour lui méprisable en ce monde » (2 LtAg 19). Le regard auquel Claire nous invite c’est finalement le regard de l’épouse pour l’Époux, qui, parce qu’il est quotidien et permanent (cf. 4 LtAg 15) conduit à découvrir la beauté de « l’Époux du plus noble lignage » (1 LtAg 7).

Considérer

La considération, pour Claire, comprend l’esprit, et conduit à percevoir l’humilité comme un contraste qui scandalise et fascine : Le Roi des anges enveloppé de langes et couché dans une crèche (cf. 4 LtAg 19-20). Si pour François pauvreté et humilité, en tant que binôme, sont inséparables, elles le sont aussi pour Claire. La pauvreté met en relief la vie dans des conditions identiques à celles des pauvres. L’humilité exprime le plus profond de la pauvreté : l’abaissement, l’humiliation, le mépris. Si la pauvreté c’est la négation de la richesse, l’humilité, c’est la négation du pouvoir. L’humilité, c’est la dimension kénotique de la suite.

Contempler

Contempler engage particulièrement le cœur. Pour Claire, le cœur est le lieu de l’alliance avec l’Époux, il exprime la radicalité de la réponse, le don total, la communion qui permet de savourer Dieu. Par ailleurs, la contemplation exige un cœur pur (cf. RCl 10,10), entièrement tourné vers le Seigneur. Il permet de regarder avec d’autres yeux, les yeux de Dieu, de considérer d’une autre façon, de voir en profondeur. Contempler signifie en dernier lieu avoir les sentiments mêmes du Christ Jésus (cf. Ph 2,5), se revêtir du Christ (cf. Gal 3,27 ; Eph 4,24). Contempler, c’est s’ouvrir à l’Esprit qui renouvelle, transforme et entraine au témoignage, la finalité de toute contemplation.

Regarde (admire), considère, contemple, plus que des degrés, ce sont des dimensions d’une même démarche qui ne se réduit pas à une simple considération intellectuelle, mais qui est une expérience qui engage la personne dans toutes ses dimensions : spirituelle, intellectuelle, affective et sensible. Elle est comme l’amour authentique : un amour qui enveloppe ( cf. Rnb 22, 19 ; 3 LtAg 12-13 ; 4 Lt Ag 15), et conduit à suivre la personne aimée et à s’identifier avec elle, à la transformation de l’Amant en Aimé.

Fr. José Rodriguez Carballo, Ministre général O.F.M.