Les Capucins sont-ils des franciscains ? Quelle est votre spécificité ? Nous recevons
quotidiennement cette interrogation sur notre identité de Capucins. Aussi nous a-t-il semblé
opportun d’y répondre succinctement dans ce numéro.
De Saint François au développement de l’Ordre
Comme il l’explique dans son Testament, notre père saint François d’Assise reçut du Seigneur des frères qui, avec lui et à son école, suivirent le Christ pauvre et humble. Ces derniers choisirent de mener une vie fraternelle de conversion permanente, de contemplation et de mission, spécialement tournée vers les plus délaissées. Du vivant de François, plusieurs questions et tensions naquirent sur la manière de vivre la grâce que le Seigneur lui avait révélée. Deux groupes principaux se formèrent alors : le premier, constitué par les premiers compagnons de François, chercha à privilégier le mode de vie adopté par le Saint, qui se partageait entre de longs temps de retrait et des temps de présence dans le monde. Le second assuma une identité plus visible dans la cité et se mit au service de la mission de l’Église partout où celle-ci avait besoin de Frères Mineurs. Notons que des saints se retrouvèrent dans chacun de ces groupes, et que seule une vision simpliste de l’histoire les séparerait en « bons » ou « mauvais » frères.
Au XVIe siècle, création des “frères mineurs de la vie érémitique”
Malgré les nombreux efforts faits pour l’unité de l’Ordre, la séparation de ces deux groupes se fit clairement au XIVe siècle. On finit par désigner les frères sous le nom de « Conventuels » et d’ « Observants ». Au XVIe siècle, plusieurs frères Observants quittèrent cette réforme pour fonder à leur tour « les frères mineurs de la vie érémitique ». Ils furent rapidement connus sous le nom de « Capucins », sobriquet provenant de leur grande capuche, qui devint finalement leur nom officiel. Ces trois Ordres franciscains ont tous pour père et fondateur saint François d’Assise. Tous professent la règle des frères mineurs approuvée par le pape Honorius III en 1223. Tous comptent aussi en leurs rangs des cohortes de saints et de pécheurs. Cependant, ces trois Ordres n’insistent pas nécessairement sur les mêmes aspects du charisme de Saint François.
Cela a conduit à leur donner des « couleurs différentes » que l’on pourrait symboliser par les
différences d’habit (aisément visibles sur internet). Qu’en est-il de la spécificité capucine ?
Pour éviter toute affirmation trop péremptoire, peut-être suffit-il de souligner deux points qui nous ont attirés, nous jeunes frères capucins, dans l’Ordre de France aujourd’hui.
Un goût pour la prière contemplative
La préférence pour la prière contemplative prolongée (oraison), personnelle et en fraternité,
est certainement le point le plus important. Quelle que soit sa génération et sa sensibilité, un
Capucin aime à se définir d’abord comme un contemplatif ou, plus exactement, un homme
qui cherche à le devenir. La littérature capucine fourmille de « traités d’oraison » dont un
certain nombre sont d’ailleurs destinés aux fidèles laïcs. C’est probablement pour cette raison
que par rapport à d’autres docteurs franciscains, les capucins ont bien souvent privilégié la
lecture des œuvres de saint Bonaventure. Là où une autre âme franciscaine sera
particulièrement attentive à la mission de l’Eglise et à l’évangélisation, « l’âme capucine »
sera spontanément plus sensible à la vie contemplative, sans effacer pour autant la mission de son horizon.
Un charisme simple, austère et joyeux
La simplicité, si elle ne peut être érigée en charisme religieux, est un autre point qui a marqué les frères entrés plus récemment : l’absence totale d’ « opération séduction », alliée à des manières d’êtres directes et spontanées (parfois d’ailleurs désarçonnantes !), est une couleur indéniablement capucine. Plus profondément, ces manières d’êtres viennent souvent d’une conviction enracinée et vécue dans l’Ordre: celle de sa propre misère et de la miséricorde insondable du Christ. Cette conviction fait tomber peu à peu tous les masques et rend possible une vie fraternelle à la fois austère et joyeuse. C’est en cela que le mystère de la Croix est bien le centre de gravité de l’oraison et de la vie capucine, mystère pascal de passage de la mort à la vie.
– Frères Marie-Geoffroy Guerin et Yves Ligneau, OFM Cap.