Déclaration Mgr Pierre D’Ornellas, archevêque de Rennes et Président du groupe de travail de la Conférence des Évêques de France sur la fin de vie.
C’est l’honneur d’une société de chercher sans cesse le meilleur accompagnement de nos concitoyens vulnérables qui s’approchent de leur décès et qui ont « droit à une fin de vie digne et apaisée ».
Le Rapport des députés Jean Leonetti et Alain Claeys, avec sa proposition de loi, s’inscrit dans cette recherche. Comme les Rapports précédents, il demande avec insistance un développement accru des soins palliatifs et de la formation à ces soins. Il n’entre pas dans l’euthanasie ou le suicide assisté qui, il est vrai, sont contraires à l’éthique médicale et au principe républicain de fraternité.
L’Église catholique publiera une étude détaillée sur la fin de vie début janvier 2015. Elle a ouvert le dialogue sur ce sujet grâce au blog findevie.catholique.fr.
En attendant notre prochaine publication, j’attire l’attention sur cinq points :
1. En supprimant la référence à l’effet secondaire, la proposition de loi introduit une incertitude sur l’objectif poursuivi par le médecin lorsque, à la demande du patient, il met en place « un traitement à visée antalgique et sédative jusqu’au décès ». Avec le principe du « double effet », l’objectif visé demeure l’apaisement des souffrances, ce qui peut avoir pour effet non voulu la survenue parfois plus rapide du décès provoqué par la maladie.
2. Le Rapport évoque un « nouveau droit » du patient : la sédation profonde et continue, lorsque le patient demande l’arrêt d’un traitement, arrêt qui engage son pronostic vital. Ce nouveau droit est « créé » « en réponse au mal-mourir en France ». Il s’inscrit dans la volonté louable d’écouter le patient. Mais ce nouveau droit ne supprime pas les causes de ce « mal-mourir ». Ce n’est pas ce droit qui engendre une juste attitude vis-à-vis de la mort. Il risque de multiplier les demandes d’une sédation profonde jusqu’au décès.
3. C’est la réforme du système de santé avec le développement de la culture palliative qui pourra lutter au mieux contre le « mal mourir ». Son inadaptation actuelle est, selon le CCNE, un « scandale ». MM. Claeys et Leonetti affirment qu’il faut financer les actes d’accompagnement, plutôt que de rester à la tarification à l’activité, car ils veulent « mettre en œuvre l’accompagnement bienveillant que nous devons à chaque malade ». Voilà notre devoir de fraternité ! Il est urgent de l’accomplir. C’est dans la fraternité que peut se vivre la juste autonomie de la personne vulnérable. Le soin global de la personne contribue au bien-mourir, comme le montrent chaque jour tant d’unités de soins palliatifs.
4. Le respect des personnes vulnérables demande que celles-ci soient entendues en vérité. C’est pourquoi les Directives Anticipées, pour être crédibles, devraient être librement rédigées à l’intérieur de la relation de confiance qui est au cœur du pacte de soin et qui permet aux personnes d’être éclairées. Il est juste que ces Directives puissent être, pour des raisons précises, jugées non appropriées au cours d’une délibération collégiale du corps médical. Ce dernier saura d’autant mieux les apprécier qu’il est formé au soin palliatif. Accroitre cette formation est indispensable.
5. Aucune loi ne supprimera le fait que la mort est difficile parce qu’elle est toujours une épreuve. Certes, la fraternité nous oblige à apaiser toute souffrance. Cependant, n’entrons pas dans le mythe de la mort toujours apaisée ou de « la mort propre ». La vulnérabilité est notre lot commun. Elle appelle un surcroît de fraternité qui nous oblige à considérer qu’il n’y a jamais de vie inutile. « Tu as du prix à mes yeux », dit la Bible juive et chrétienne.
Mgr Pierre d’Ornellas
Archevêque de Rennes